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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/23

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DANS LA MAISON

— Pourquoi ?

— Il ne faut pas tant parler pour savoir ce qu’est le bien.

— Ou pour ne le savoir point.

— Ma foi oui : pour ne le savoir point. Et ce n’est pas la plus mauvaise façon pour le faire. Le bien n’est pas une science, c’est une action. Il n’y a que les neurasthéniques, pour discutailler sur la morale ; et la première de toutes les lois morales est de ne pas être neurasthénique. Diables de pédants ! Ils sont comme des culs-de-jatte qui voudraient m’apprendre à marcher.

— Ce n’est pas pour vous qu’ils parlent. Vous, vous savez ; mais il y en a tant qui ne savent pas !

— Eh bien, laissez-les, comme les enfants, se traîner à quatre pattes, jusqu’à ce qu’ils aient appris d’eux-mêmes. Mais sur deux pattes ou sur quatre, la première chose, c’est qu’ils marchent.

Il marchait à grands pas d’un bout à l’autre de la chambre, que moins de quatre enjambées suffisaient à mesurer. Il s’arrêta devant le piano, l’ouvrit, feuilleta les morceaux de musique, toucha le clavier, et dit :

— Jouez-moi quelque chose.

Olivier eut un sursaut :

— Moi ! fit-il, quelle idée !

Mme Roussin m’a dit que vous étiez bon musicien. Allons, jouez.

— Devant vous ? Oh ! dit-il, j’en mourrais.