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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

une force d’illusion qui devrait servir à créer d’autres vies.

— N’est-ce pas le sort de presque tous ? Vous-même, ne vous dépensez-vous pas en colères et en luttes ?

— Moi, ce n’est pas la même chose. Je suis né pour cela. Regardez mes bras, mes mains. C’est ma santé, de me battre. Mais vous, vous n’avez pas trop de force ; cela se voit, de reste.

Olivier regarda mélancoliquement ses poignets maigres, et dit :

— Oui, je suis faible, j’ai toujours été ainsi. Mais qu’y faire ? Il faut vivre.

— Comment vivez-vous ?

— Je donne des leçons.

— Des leçons de quoi ?

— De tout. Des répétitions de latin, de grec, d’histoire. Je prépare au baccalauréat. J’ai aussi un cours de Morale dans une École municipale.

— Un cours de quoi ?

— De Morale.

— Quelle diable de sottise est-ce là ? On enseigne la morale dans vos écoles ?

Olivier sourit :

— Sans doute.

— Et il y a de quoi parler pendant plus de dix minutes ?

— J’ai douze heures de cours par semaine.

— Vous leur apprenez donc à faire le mal ?