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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

pas prendre parti ; ses insolents journaux la sommaient de se déclarer pour l’Allemagne, ou sinon menaçaient de lui faire payer les premiers frais de la guerre ; ils prétendaient arracher son alliance par la peur, et la traitaient d’avance en vassale battue et contente, — pour tout dire, en Autriche. On reconnaissait là la démence orgueilleuse de l’impérialisme allemand, soûl de sa victoire, et l’incapacité totale de ses hommes d’État à comprendre les autres races, en leur appliquant à toutes la même commune mesure qui faisait loi pour eux : la force, raison suprême. Naturellement, sur une vieille nation, riche de siècles de gloire et de suprématie sur l’Europe, que l’Allemagne n’avait jamais connus, cette brutale sommation avait eu l’effet contraire à celui que l’Allemagne en attendait. Elle avait fait cabrer son orgueil assoupi ; la France frémissait, de la base à la cime ; et les plus indifférents en criaient de colère.

La masse de la nation allemande n’était pour rien dans ces provocations, qui la choquaient elle-même : les braves gens de tous pays ne demandent qu’à vivre en paix ; et ceux d’Allemagne sont particulièrement pacifiques, affectueux, désireux d’être bien avec tous, et plus portés à admirer les autres et à les imiter qu’à les combattre. Mais on ne demande pas leur avis aux braves gens ; et ils ne sont pas assez hardis pour le donner. Ceux qui n’ont pas pris la virile habitude