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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/247

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DANS LA MAISON

de l’action publique sont fatalement condamnés à en être les jouets. Ils sont l’écho magnifique et stupide, qui répercute les cris hargneux de la presse et les défis des chefs, et qui en fait la Marseillaise ou la Wacht am Rhein.

C’était un coup terrible pour Christophe et Olivier. Ils étaient tellement habitués à s’aimer qu’ils ne concevaient plus pourquoi leurs pays ne faisaient pas de même. Les raisons de cette hostilité persistante, brusquement réveillée, leur échappaient à tous deux, et surtout à Christophe, qui, en sa qualité d’Allemand, n’avait aucun motif d’en vouloir à un peuple, que son peuple avait vaincu. Tout en étant choqué lui-même de l’insupportable orgueil de quelques-uns de ses compatriotes, et en s’associant, dans une certaine mesure, à l’indignation des Français contre cette sommation à la Brunswick, il ne comprenait pas bien pourquoi la France ne se prêtait pas, après tout, à devenir l’alliée de l’Allemagne. Les deux pays lui semblaient avoir tant de raisons profondes d’être unis, tant de pensées communes, et de si grandes tâches à accomplir ensemble, qu’il se fâchait de les voir s’obstiner à ces rancunes stériles. Ainsi que tous les Allemands, il regardait la France comme la principale coupable du malentendu : car, s’il consentait à admettre qu’il fût pénible pour elle de rester sur le souvenir d’une défaite, il ne voyait pourtant là qu’une question d’amour-propre, qui devait s’effacer