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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/248

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

devant les intérêts plus hauts de la civilisation et de la France elle-même. Jamais il ne s’était donné la peine de réfléchir au problème de l’Alsace-Lorraine. À l’école, il avait appris à considérer l’annexion de ces pays comme un acte de justice, qui avait fait rentrer, après des siècles de sujétion étrangère, une terre allemande dans la patrie allemande. Aussi, tomba-t-il de son haut, quand il découvrit que son ami la regardait comme un crime. Il n’avait pas encore causé de ces choses avec lui, tant il était convaincu qu’ils étaient d’accord ; et maintenant, il voyait Olivier, dont il savait la bonne foi et la liberté d’intelligence, lui dire, sans passion, sans colère, avec une tristesse profonde, qu’un grand peuple pouvait bien renoncer à se venger d’un tel crime, mais qu’il ne pouvait y souscrire sans se déshonorer.

Ils eurent beaucoup de peine à se comprendre. Les raisons historiques qu’Olivier alléguait des droits de la France à revendiquer l’Alsace comme une terre latine, ne firent aucune impression sur Christophe ; il y en avait d’aussi fortes pour prouver le contraire : l’histoire fournit à la politique tous les arguments dont elle a besoin, pour la cause qu’il lui plaît. Christophe fut beaucoup plus touché par le côté, non plus seulement français, mais humain, du problème. Les Alsaciens étaient-ils ou non, Allemands, — là n’était pas la question. Ils ne voulaient pas l’être ; et