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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/257

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DANS LA MAISON

Christophe sentait tout cela ; et pourtant, il n’était point tranquille. Lui qui avait en quelque sorte déserté d’Allemagne, qui n’y pouvait rentrer, lui qui était nourri de la pensée Européenne des grands Allemands du xviiie siècle, chers à son vieil ami Schulz, et qui détestait l’esprit de l’Allemagne nouvelle, militariste et mercantile, il entendait se lever en lui une bourrasque de passions ; et il ne savait pas de quel côté elle allait l’entraîner. Il ne le disait pas à Olivier ; mais il passait ses journées dans l’angoisse, à l’affût des nouvelles. Secrètement, il rassemblait ses affaires, préparait sa valise. Il ne raisonnait pas. C’était plus fort que lui. Olivier l’observait avec inquiétude, devinant le combat qui se livrait en son ami ; et il n’osait l’interroger. Ils éprouvaient le besoin de se rapprocher plus encore que d’habitude, ils s’aimaient plus que jamais ; mais ils craignaient de se parler ; ils tremblaient de découvrir entre eux une différence de pensée, qui les eût divisés de nouveau, ainsi qu’ils venaient de l’être par un malentendu. Souvent, leurs yeux se rencontraient, avec une expression de tendresse inquiète, comme s’ils étaient à la veille d’une séparation éternelle. Et ils se taisaient, oppressés.


Cependant, sur le toit de la maison en construction, de l’autre côté de la cour, pendant ces tristes jours, sous des rafales de pluie, les ouvriers