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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/272

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

avait lu la lettre, et essayait de le rassurer. Il courut à son lit, sur lequel il avait déposé son veston, se rhabilla précipitamment, et, sans attacher son faux-col, — (ses doigts tremblaient trop) — il sortit. Olivier le rattrapa sur l’escalier : que voulait-il faire ? Partir par le premier train ? Il n’y en avait pas avant le soir. Il valait mieux attendre ici qu’à la gare. Avait-il seulement l’argent nécessaire ? — Ils fouillèrent leurs poches, et, en réunissant tout ce qu’ils possédaient, ils ne trouvèrent qu’une trentaine de francs. On était en septembre. Hecht, les Arnaud, tous les amis, étaient hors de Paris. Personne à qui s’adresser. Christophe, hors de lui, parlait de faire une partie du chemin à pied. Olivier le pria d’attendre une heure, promettant de trouver la somme qu’il fallait. Christophe le laissa faire ; il était incapable d’avoir aucune idée. Olivier courut au mont-de-piété : c’était la première fois qu’il y allait ; pour lui-même, il eût mieux aimé souffrir du dénuement que mettre en gage un de ces objets, qui tous lui rappelaient quelque cher souvenir ; mais il s’agissait de Christophe, et il n’y avait pas de temps à perdre. Il déposa sa montre, sur laquelle on lui avança une somme bien inférieure à celle qu’il attendait. Il lui fallut remonter chez lui, prendre quelques-uns de ses livres, et les porter à un bouquiniste. C’était une chose douloureuse ; à peine s’il y songeait, en ce moment : le chagrin de Christophe absorbait toutes ses pensées. Il revint