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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Elle a ouvert les yeux. Il est là, devant elle.

Depuis un moment, il la regardait, si changée, le visage à la fois tiré et bouffi, une souffrance muette, que rendait plus poignante son sourire résigné ; et ce silence, cette solitude autour… Il avait le cœur transpercé…

Elle le vit. Elle ne fut pas étonnée. Elle sourit d’un sourire ineffable. Elle ne pouvait ni lui tendre les bras, ni dire une seule parole. Il se jeta à son cou, il l’embrassa, elle l’embrassa ; de grosses larmes coulaient sur ses joues. Elle dit tout bas :

— Attends…

Il vit qu’elle suffoquait.

Ils ne faisaient aucun mouvement. Elle lui caressait la tête avec ses mains ; et ses larmes continuaient de couler. Il lui baisait les mains, sanglotant, la figure cachée dans les draps.

Quand son angoisse fut passée, elle essaya de parler. Mais elle ne parvenait plus à trouver ses mots ; elle se trompait, et il avait peine à comprendre. Qu’est-ce que cela faisait ? Ils s’aimaient, ils se voyaient, ils se touchaient : c’était là l’essentiel. — Il demanda avec indignation pourquoi on la laissait seule. Elle excusa la garde :

— Elle ne pouvait pas toujours être là : elle avait son travail…

D’une voix faible, entrecoupée, qui ne parvenait pas à articuler toutes les syllabes, elle fit hâtivement une petite recommandation au sujet