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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

riposta par une lettre débordante et folle, qui rappelait celles qu’il écrivait, à quinze ans, à son ami Otto ; elle était pleine de Gemüth et de coq-à-l’âne ; il y faisait des calembours en français et en allemand ; et même, il les mettait en musique.

Ils s’installèrent enfin. Ils avaient trouvé dans le quartier Montparnasse, près de la place Denfert, au cinquième d’une vieille maison, un logement de trois pièces et une cuisine, fort petites, qui donnaient sur un jardin minuscule, enclos entre quatre grands murs. De l’étage où ils étaient, la vue s’étendait, par-dessus le mur d’en face, moins élevé que les autres, sur un de ces grands jardins de couvents, comme il y en a encore tant à Paris, qui se cachent, ignorés. On ne voyait personne dans les allées désertes. Les vieux arbres, plus hauts et plus touffus que ceux du Luxembourg, frissonnaient au soleil ; des bandes d’oiseaux chantaient ; dès l’aube, c’étaient les flûtes des merles, et puis le choral tumultueux et rythmé des moineaux ; et le soir, en été, les cris délirants des martinets, qui fendaient l’air lumineux et patinaient dans le ciel. Et la nuit, sous la lune, telles que les bulles d’air qui montent à la surface d’un étang, les notes perlées des crapauds. On eût oublié que Paris était là, si la vieille maison n’eût constamment tremblé du grondement des lourdes voitures, comme si la terre avait été remuée par un frisson de fièvre.