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LA FIN DU VOYAGE

timentale ; elle ne semblait s’intéresser qu’à la technique du chant et du piano. Le plus souvent, quand ils étaient ensemble, et qu’ils ne jouaient pas de musique, ils parlaient des sujets les plus bourgeois : ménage, cuisine, vie domestique. Et Christophe, qui n’eût pu supporter, une minute, ces conversations avec une bourgeoise, les tenait tout naturellement avec Philomèle.

Ils passaient ainsi des soirées, en tête à tête, et s’aimaient sincèrement, de l’affection la plus calme et presque la plus froide. Un soir qu’il était venu dîner et qu’il s’était attardé à causer, plus que d’habitude, un violent orage éclata. Quand il voulut partir, pour rejoindre le dernier train, la pluie, le vent faisaient rage ; elle lui dit :

— Mais ne vous en allez pas ! Vous partirez demain matin.

Il s’installa dans le petit salon, sur un lit improvisé. Une mince cloison le séparait de la chambre à coucher de Cécile ; les portes ne fermaient pas. Il entendait, de son lit, les craquements de l’autre lit et le souffle tranquille de la jeune femme. Au bout de cinq minutes, elle était endormie ; et il ne tarda pas à faire de même, sans que l’ombre d’une pensée trouble les effleurât, un seul instant.