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LES AMIES

des soirs et des nuits pour des cœurs simples et sains. Quatre ou six vers pour un lied, c’est assez : les expressions les plus simples, point de développement savant, ni d’harmonies raffinées. Qu’ai-je à faire de vos virtuosités d’esthète ? Aimez ma vie, aidez-moi à l’aimer et à la vivre. Écrivez-moi les Heures de France, mes Grandes et Petites Heures. Et cherchons ensemble la phrase mélodique la plus claire. Évitons, comme la peste, ce langage artistique d’une caste qui est celui de tant d’écrivains et surtout de tant de musiciens français d’aujourd’hui. Il faut avoir le courage de parler en homme, non en « artiste ». Il faut puiser dans le fonds commun de tous, et se servir, sans rougir, des formules usuelles que les siècles ont marquées de leur empreinte et remplies de leur âme. Vois ce qu’ont fait nos pères. C’est du retour au langage musical de tous qu’est sorti l’art des classiques allemands de la fin du xviiie siècle. Les phrases mélodiques de Gluck, des créateurs de la symphonie, des maîtres du lied de ce temps, sont triviales et bourgeoises parfois, comparées aux phrases raffinées ou savantes de Jean-Sébastien Bach et de Rameau. C’est ce fond de terroir qui a fait la saveur et la popularité immense des grands