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LA FIN DU VOYAGE

regards qui se parlaient par-dessus la conversation. Ils n’avaient pas besoin de se regarder pour se voir ; et ils souriaient : car ils savaient qu’ils pensaient aux mêmes choses en même temps. Lorsqu’ils se retrouvaient seuls, après quelque contrainte mondaine, ils poussaient des cris de joie et faisaient mille folies d’enfants. Ils avaient l’air d’avoir huit ans. Ils bêtifiaient en parlant. Ils se nommaient de petits noms drolatiques. Elle l’appelait Olive, Olivet, Olifant, Fanny, Mami, Mime, Minaud, Quinaud, Kaunitz, Cosima, Cobourg, Panot, Nacot, Ponette, Naquet et Canot. Elle jouait à la petite fille. Mais elle voulait être tout à la fois pour lui, tous les amours mêlés : mère, sœur, femme, amoureuse, maîtresse.

Elle ne se contentait pas de partager ses plaisirs ; comme elle se l’était promis, elle partageait ses travaux : c’était aussi un jeu. Pendant les premiers temps, elle y apporta l’ardeur amusée d’une femme pour qui le travail était quelque chose de nouveau : on eût dit qu’elle prenait plaisir aux tâches les plus ingrates, des copies dans les bibliothèques, des traductions de livres insipides : cela faisait partie de son plan de vie, très pure et très sérieuse, tout entière consacrée à de