Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

167
LES AMIES

tait ; mais, à la réflexion, il se demandait s’il n’y avait pas là quelque vrai. Les premiers lieder écrits sur des poésies de Gœthe étaient sobres et exacts ; bientôt Schubert y mêle sa sentimentalité romanesque, qui les déforme ; Schumann, ses langueurs de petite fille ; et, jusqu’à Hugo Wolf, le mouvement s’accentue vers une déclamation plus appuyée, des analyses indécentes, une prétention de ne plus laisser un seul recoin de son âme sans lumière. Tout voile est déchiré sur les mystères du cœur. Ce qui était dit sobrement par un homme, est hurlé aujourd’hui par des filles impudiques qui se montrent toutes nues.

Christophe avait un peu honte de cet art, dont il se sentait lui-même contaminé ; et, sans vouloir revenir au passé, — (désir absurde et contre nature), — il se retrempait dans l’âme de ceux des maîtres du passé qui avaient eu la discrétion hautaine de leur pensée et le sens d’un grand art collectif : tel, Hændel, quand dédaigneux du piétisme larmoyant de son temps et de sa race, il écrivait ses Anthems colossaux et ses oratorios, épopées héroïques, chants des peuples pour des peuples. Le difficile était de trouver des sujets d’inspiration qui pussent, comme la Bible au temps de Hændel, éveiller des émo-