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LA FIN DU VOYAGE

— Tu peux l’être encore. Je te vois si bien, ainsi !

— Dis-moi comment tu me vois.

Il la décrivit, dans des conditions où elle se fût développée d’une façon naturelle et harmonieuse, où elle eût été heureuse, aimante et aimée. Et cela lui faisait du bien à entendre. Mais après, elle dit :

— Non, c’est impossible maintenant.

— Eh bien, fit-il, il faut se dire alors, comme le bon vieux Haendel, quand il est devenu aveugle :


Extrait d'une partition de Haëndel
Extrait d'une partition de Haëndel


Et il alla le lui chanter, au piano. Elle l’embrassa, son cher fou optimiste. Il lui faisait du bien. Mais elle lui faisait du mal : elle le craignait, du moins. Elle avait des crises de désespoir, et elle ne pouvait les lui cacher ; l’amour la rendait faible. La nuit, quand ils étaient dans le lit, côte à côte, et qu’elle dévorait son angoisse en silence, il la devinait,