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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/191

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LES AMIES

et il suppliait l’amie toute proche et lointaine de partager avec lui le poids qui l’écrasait ; alors, elle ne pouvait résister, elle se livrait, en pleurant, dans ses bras ; et il passait ensuite des heures à la consoler, bonnement, sans se fâcher ; mais cette inquiétude perpétuelle ne laissait point de l’assommer, à la longue. Françoise tremblait que sa fièvre ne finît par se communiquer à lui. Elle l’aimait trop pour supporter l’idée qu’il souffrît, à cause d’elle. On lui offrait un engagement en Amérique ; elle accepta, pour se forcer à partir. Elle le quitta, un peu humilié. Elle l’était autant que lui. Ne pas pouvoir être heureux l’un par l’autre !

— Mon pauvre vieux, lui dit-elle, en souriant tristement, tendrement. Sommes-nous assez maladroits ? Nous ne retrouverons jamais une occasion aussi belle, une pareille amitié. Mais il n’y a pas moyen, il n’y a pas moyen. Nous sommes trop bêtes !

Ils se regardèrent, penauds et attristés. Ils rirent pour ne pas pleurer, s’embrassèrent, et se quittèrent, les larmes aux yeux. Jamais ils ne s’étaient aimés autant qu’en se quittant.


Et après qu’elle fut partie, il revint à l’art, son vieux compagnon… Ô paix du ciel étoilé ?