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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/25

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LES AMIES

frisson lui courir, le long de l’échine. Car il ne se faisait aucune illusion ; il avait suffisamment d’expérience, pour se douter de ce qui allait se passer ; à présent que sa griserie était tombée, il le voyait aussi nettement que si c’était déjà fait : ses indiscrétions déformées, publiées en échos de gazette médisante, ses boutades artistiques changées en armes de guerre. Quant à sa lettre de rectification, il savait à quoi s’en tenir là-dessus, aussi bien qu’Olivier : répondre à un journaliste, c’est perdre son encre ; un journaliste a toujours le dernier mot.

Tout se passa, de point en point, comme Christophe l’avait prévu. Les indiscrétions parurent, et la lettre de rectification ne parut pas. Gamache se contenta de lui faire dire qu’il reconnaissait là sa générosité de cœur, que de tels scrupules l’honoraient ; mais il garda jalousement le secret de ces scrupules ; et les opinions fausses, attribuées à Christophe, continuèrent de se répandre, soulevant des critiques acerbes dans les journaux parisiens, puis de là en Allemagne, où l’on s’indigna qu’un artiste allemand s’exprimât avec aussi peu de dignité sur le compte de son pays.

Christophe crut très habile de profiter de