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LA FIN DU VOYAGE

rie lorgnait. M. Langeais paradait ; si sincère que fut son affection pour sa fille, sa plus grande préoccupation était de noter les gens, et de savoir s’il n’avait pas fait d’oublis dans sa liste de faire-part. Seul, Christophe était ému ; il était à lui seul, les parents, les mariés, et le maire ; il couvait des yeux Olivier, qui ne le regardait point.

Le soir, le jeune couple partit pour l’Italie. Christophe et M. Langeais les accompagnèrent à la gare. Ils les voyaient joyeux, sans regrets, ne cachant point leur impatience d’être déjà partis. Olivier avait l’air d’un adolescent, et Jacqueline d’une petite fille… Charme mélancolique et tendre de ces départs ! Le père est un peu triste de voir sa petite emmenée par un étranger, et pour quoi !… et pour toujours loin de lui. Mais eux n’éprouvent qu’un sentiment de délivrance enivrée. La vie n’a plus d’entraves ; plus rien ne les arrête ; il semble qu’ils soient arrivés au faîte : on peut mourir maintenant, on a tout, on ne craint rien… Ensuite, on voit que ce n’était qu’une étape. La route reprend, et tourne autour de la montagne ; et il y a bien peu de gens qui arrivent à la seconde étape…

Le train les emporta dans la nuit. Christophe et M. Langeais revinrent ensemble.