Aller au contenu

Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

163
LE BUISSON ARDENT

dans le lit ; ses bras et ses jambes étaient lourds comme de la pierre. Il était dans un tombeau. Lumière blafarde. Quelques gouttes de pluie frappaient les carreaux. Un oiseau dans le jardin poussait de petits cris plaintifs. Ô misère de vivre ! Inutilité cruelle !…

Les heures s’écoulèrent. Braun entra. Christophe ne tourna pas la tête. Braun, lui voyant les yeux ouverts, l’interpella joyeusement ; et comme Christophe continuait de fixer le plafond, d’un regard morne, il entreprit de secouer sa mélancolie ; il s’assit sur le lit et bavarda bruyamment. Ce bruit était insupportable à Christophe. Il fit un effort, qui lui sembla surhumain, pour dire :

— Je vous en prie, laissez-moi.

Le brave homme changea de ton, aussitôt.

— Vous voulez être seul ? Comment donc ! Certainement. Restez bien tranquillement. Reposez-vous, ne parlez pas, on vous montera les repas, personne ne dira rien.

Mais il lui était impossible d’être bref. Après d’interminables explications, il quitta la chambre sur le bout de ses gros souliers qui faisaient craquer le parquet. Christophe resta de nouveau seul, enfoncé dans sa lassitude mortelle. Sa pensée se diluait dans un