Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/105

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juste ce qu’il fallait pour paraître incorrecte, par un raffinement de plus. Elle montrait encore plus d’intelligence, en ne sortant jamais des limites où elle sentait le terrain solide sous ses pas. Là, elle était parfaite, de manières, de tenue et de ton. Une exquise distinction, rehaussée d’une pointe d’extravagance. Annette ne pouvait s’empêcher de rire, en l’entendant débiter à sa cour, avec un aplomb charmant, des connaissances dont elle lui avait, la veille, donné la becquée. Sylvie lui décochait un clin d’œil malicieux. — Il n’aurait pas fallu, certes, la pousser trop loin dans la conversation. Malgré tout son esprit et sa bonne mémoire, elle eût risqué de trahir ses lacunes ; mais elle ne se laissait pas faire : elle surveillait ses frontières. Et puis, elle savait aussi choisir ses partenaires.

C’étaient, pour la plupart, de jeunes sportmen des pays étrangers : anglo-saxons, roumains, plus sensibles à une faute de jeu qu’à une faute de langage. — Le grand favori du petit cercle féminin était un Italien. Porteur d’un nom sonore de vieille famille lombarde, (éteinte depuis des siècles, mais le nom ne meurt jamais), il avait ce type, si répandu parmi la jeunesse à la mode de la Péninsule, et qui est d’une époque encore plus que d’une race : on y trouve curieusement assemblés l’Améri-