Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/106

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cain de la Cinquième Avenue et le condottiere du quattrocento : ce qui donne à l’ensemble, parfois, assez grand air — (d’Opéra). — Beau garçon, haut et droit, bien bâti, la tête ronde et la face rasée, très brun, les yeux ardents, un grand nez conquérant, aux narines bleuâtres, et la mâchoire lourde, Tullio marchait, les reins souples et le torse bombé. Ses manières étaient un mélange de hauteur, d’obséquieuse courtoisie, et de brutalité. Un homme irrésistible. Il n’avait qu’à se baisser pour ramasser les cœurs. Il ne se baissait pas. Il attendait qu’on vînt les lui mettre dans la main.

Peut-être pour cette raison qu’Annette, justement, ne lui offrit pas le sien, il avait jeté d’abord son dévolu sur elle. Champion de tennis, il avait apprécié les qualités physiques de la robuste fille ; et, causant avec elle, il avait découvert d’autres sujets sportifs, où leurs goûts s’accordaient, — le cheval, le canotage, dont Annette avait fait, avec la passion qu’elle apportait à tout. Il huma de son grand nez le trop plein d’énergie qui gonflait ce corps vierge ; et il le désira. Annette perçut ce désir, et elle en fut à la fois blessée et captivée. Sa forte vie physique, comprimée par des années de demi-claustration, s’éveillait, sous la flambée de ce superbe été, au milieu de cette jeunesse qui ne