Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/107

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songeait qu’au plaisir, et dans l’excitation de ces jeux vigoureux. Les dernières semaines passées avec Sylvie, ses libres entretiens, la tendresse excessive dont elle était saturée, avaient jeté le trouble dans sa nature, dont elle connaissait si mal et si peu l’étendue. Contre un assaut des sens, la maison était mal défendue. Pour la première fois, Annette éprouva la morsure de la passion sexuelle. Elle en eut honte et colère, comme si on l’eût souffletée. Mais ce n’était pas une raison pour que le désir tombât. Au lieu de se dérober, elle tint tête aux avances, avec une froideur fière et le cœur frémissant. Lui, toujours enveloppant d’une déférence parfaite une rapace convoitise, dont la fascination luisait, il s’éprit d’autant plus qu’il vit qu’elle l’avait compris et qu’elle se posait en adversaire. C’était un autre match, autrement passionnant ! Il y eut de durs défis échangés, de rudes passes d’armes, sans qu’il en parût rien au dehors. Tandis qu’il s’inclinait, avec une mâle politesse, pour lui baiser la main, — tandis qu’elle lui souriait, avec une grâce hautaine, elle lisait dans ses yeux :

— Je t’aurai.

Et ses lèvres fermées lui répondaient :

— Jamais !

Sylvie suivait le duel, de son regard de lynx ; et, tout en s’en amusant, l’envie lui vint d’y