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ANNETTE ET SYLVIE 113

Sylvie, à côté, faisait semblant de dormir, et que Tullio allait venir. Déjà, elle entendait dans le couloir le plancher qui craquait et un frôlement de pas prudents qui s’avançaient. Elle voyait Sylvie se soulever de l’oreiller, sortir ses jambes des draps, se lever, se glisser vers la porte qui s’entr’ouvrait. Annette voulait se lever aussi ; mais elle ne pouvait pas. Comme si elle l’eût entendue, Sylvie se retournait, revenait près du lit, la regardait, se penchait sur elle pour mieux la voir. Elle n’était pas du tout, pas du tout comme Sylvie ; elle ne lui ressemblait pas ; et pourtant, elle était Sylvie ; elle avait un rire méchant qui découvrait ses canines ; elle avait de longs cheveux noirs, sans boucles, raides et durs, qui, quand elle se baissait, lui retombaient sur le visage, entraient dans la bouche et dans les yeux d’Annette. Annette avait sur la langue le goût des crins rudes et leur odeur échauffée. La face de la rivale venait plus près, tout près. Sylvie ouvrait le lit, et entrait. Annette sentait le genou dur, qui pesait sur sa hanche. Elle étouffait. Sylvie avait un couteau ; le froid de la lame frôlait la gorge d’Annette, qui se débattait, criait… — Elle se retrouva dans le calme de la chambre, assise sur son lit, ses draps bouleversés. Sylvie dormait paisiblement. Annette, comprimant les battements de son cœur, écoutait le souffle rassurant