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138 L’AME ENCHANTÉE

écrit, ni sanction religieuse ou civile — ne pesait sur lui. Et qu’est-ce que cela faisait qu’elles fussent si différentes ? On se trompe, en croyant que les meilleures unions reposent sur des affinités, — ou bien sur des contrastes. Ni les unes, ni les autres, mais un acte intérieur, un : « J’ai choisi, je veux, et je fais vœu », mais de la bonne trempe et solidement frappé par le coin d’une double décision têtue, comme ces deux filles au front rond. « Je t’ai, et je n’ai pas plus le pouvoir, maintenant, de te rendre, que de me reprendre… Au reste, tu es libre d’aimer qui tu voudras, de faire ce qui te plaira, quelque folie, un petit crime au besoin, si cela te chante, (je sais bien que tu ne le feras pas ! mais quand même !) cela ne change rien au pacte » Explique qui voudra ! La scrupuleuse Annette, si elle eût osé aller jusqu’au bout de sa pensée, aurait dû s’avouer qu’elle n’était pas du tout sûre de la valeur morale de Sylvie et de ses actions futures. Et Sylvie, qui voyait clair, n’eût pas mis sa main au feu qu’Annette ne serait pas capable, un jour, d’actes déconcertants. Mais cela regardait les autres, cela ne les concernait pas, elles deux. Elles deux, elles étaient sûres, elles avaient l’une dans l’autre une confiance absolue. Le reste du monde pouvait s’arranger comme il voudrait !… Quoi qu’elles fissent, du