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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/150

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144 L'AME ENCHANTEE

Cette nature pouvait bien s’atténuer quelque temps, sous le voile d’une grande tendresse ; mais elle se maintenait. Il faut avouer, d’ailleurs, que si Annette faisait effort pour s’adapter aux volontés de Sylvie, Sylvie ne lui rendait pas la tâche commode. Elle n’en agissait qu’à sa tête ; et sa tête avait, en vingt-quatre heures, plus de vingt-quatre volontés, qui n’allaient pas toujours d’accord entre elles. Annette, méthodique, ordonnée, riait d’abord, s’impatientait ensuite de ces sautes de caprices. Elle l’appelait : Rose des Vents et : Je veuxQu’est-ce que je veux ? — Et Sylvie l’appelait : Bourrasque, Madame J’ordonne, et Midi à douze heures, parce qu’elle était agacée de sa ponctualité.

Tout en se chérissant, il était difficile qu’elles pussent s’accommoder longtemps de la même façon de vivre. Elles n’avaient pas les mêmes goûts et les mêmes habitudes. Parce qu’elles s’aimaient, Annette pouvait bien prêter une oreille indulgente aux petits potins de Sylvie, qui avait l’œil très bon pour faire sa cueillette, l’oreille encore meilleure, mais non pas très bonne langue. Et Sylvie pouvait bien paraître s’intéresser, en avalant tout rond un bâillement amusé…

— ( « Passe ! Veux-tu passer !… » )
aux lectures assommantes dont Annette voulait avec elle partager le plaisir…