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ANNETTE ET SYLVIE 145

— Dieu ! que c’est joli, chérie !
ou à certaines préoccupations de pensée saugrenues, sur la vie, sur la mort, ou sur la société…

— (« La barbe !… Turlututu !… Ils en ont, du temps à perdre !… »)

— Et toi, demandait Annette. Qu’est-ce que tu en penses, Sylvie ?

(« Flûte ! » pensait Sylvie).

— Je pense comme toi, chérie.

Cela n’empêchait pas du tout de s’adorer. Mais ça gênait tout de même un peu pour converser.

Et que faire des journées, seules dans la maison morose, à la lisière des bois, en face des champs dépouillés, sous le ciel bas d’automne qui se confond dans le brouillard avec la plaine nue ? Sylvie avait beau dire et croire qu’elle adorait la campagne, elle avait bientôt fait d’en épuiser les plaisirs ; elle y était désœuvrée, désorientée, perdue… La nature, la nature… Parlons franc ! La nature la rasait… Non ! ce pays de croquants !… Elle n’en supportait pas les petits désagréments : le vent, la pluie, la boue, (celle de Paris, en regard, lui paraissait plaisante), les souris trottinant derrière les vieilles cloisons, les araignées qui rentrent pour prendre quartiers d’hiver dans les appartements, et ces bêtes affreuses, les moustiques