Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/189

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son blâme austère à Raoul Rivière, en le tenant à distance : ce dont il ne s’était point affecté, car il n’attendait d’eux aucune commande. — Vint la fameuse Affaire, où Rivière, on l’a vu, se trouva, sans y avoir songé, dans le parti du Progrès. Il s’en vit, en un instant, blanchi ; on passa l’éponge sur le passé ; on découvrit même à Rivière de hautes qualités civiques et républicaines, dont il ne se serait pas douté, mais dont il eût certainement tiré un bon parti, si la mort n’était venue troubler ses plans.

Ceux des Brissot n’en souffrirent point. Ces grands républicains, qui avaient su, au cours d’un siècle, mener de front le respect de leurs principes et celui de leurs intérêts, étaient riches, et, naturellement, songeaient à l’être davantage. On savait que Rivière avait laissé à sa fille une jolie fortune. On eût été bien aise de joindre sa propriété de Bourgogne aux biens Brissot qu’elle eût heureusement complétés. Mais pour des gens qui avaient les principes des Brissot, les raisons de fortunes ne venaient qu’en second, — même quand il arrivait qu’on y pensât en premier : en question de mariage, la jeune personne devait d’abord entrer en ligne de compte. — La jeune personne, en l’occurrence, répondait à toutes les exigences. Annette satisfaisait par ce qu’on savait d’elle, par ses allures sérieuses, par ce qu’on avait