Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/203

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naissaient la vie. Ils en connaissaient les pièges. Ils étaient de madrés provinciaux français. Quand la décision qu’on attend s’attarde en route, la prudence conseille d’aller la chercher. Les deux dames Brissot se mirent en chemin.

Il y avait un sourire qu’on nommait, à Paris, dans le cercle des connaissances, le sourire Brissot : il était gras et doux, affable et supérieur, badin avec mesure — et poids, sachant tout d’avance, ruisselant de bienveillance, parfaitement indifférent ; il offrait à mains pleines, mais pleines restaient les mains. — Les deux dames Brissot en étaient fleuries.

Madame Brissot mère, grande belle femme, la face large, les joues grasses, bien nourrie, rebondie, avait le port imposant, le corsage opulent, et une parole onctueuse, excessivement flatteuse, qui mit à la gêne la sincère Annette. Ce n’était pas pour elle seule — (elle le remarqua bientôt avec soulagement). — Ce ton laudatif était distribué à tous avec largesse. Il s’accompagnait d’un perpétuel badinage, qui était, chez les Brissot, une marque courtoise de la certitude qui leur était infuse et de la bonhomie avec laquelle ils acceptaient ce don.

Mademoiselle Brissot, la sœur de Roger, grande et forte elle aussi, était d’un blond très pale, si décoloré qu’il semblait presque blanc, albinos. Elle y ajoutait un nuage de poudre de