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ANNETTE ET SYLVIE 207

trouva, à l’aube, épuisée, mais déridée. Elle irait chez Roger.. Ou, non ! elle lui écrirait ; elle en serait plus libre d’exprimer jusqu’au bout ce qu’elle voulait dire, sans être interrompue. Elle briserait. Pour éviter que les Brissot ne revinssent à la charge, elle résolut de s’évader de Paris, d’aller pour quelques jours dans un hôtel des environs. Et se levant, elle écrivit la lettre, dont elle avait cent fois agité les termes dans sa tête ; puis, elle commença hâtivement ses préparatifs de départ.

Elle était au milieu, quand Roger l’y surprit. Elle n’avait pas songé à défendre sa porte, ne s’attendant pas si tôt à sa venue. Il entra, devançant dans son impatience amoureuse le domestique qui l’annonçait. Il apportait des fleurs. Il débordait de bonheur et de reconnaissance. Et il était si tendre, si jeune, si séduisant qu’Annette, en le voyant, n’eut plus la force de parler. Toutes ses belles résolutions furent oubliées, son cœur était repris dès le premier regard. Avec l’étonnante mauvaise foi de l’amour, aussitôt elle découvrit autant de raisons pour le mariage qu’elle en avait contre, la minute d’avant. Elle essayait de lutter ; mais la joie riait dans ses yeux cernés par les soucis de la nuit. Elle regardait son Roger, qui la buvait d’un regard enivré, et elle se disait :

— Pourtant, j’ai décidé… Je dois pourtant