Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/222

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(Annette ne put cacher un petit sursaut.)

— Je vous choque ?

— Non, non, tout le contraire ! Comme c’est vrai ! Allez ! Dites encore !…

— Vous êtes, reprit Marcel, une indépendante, qui ne peut rester seule. C’est la loi de nature. Vous la sentez plus vive, parce que vous êtes plus vivante.

— Oui, vous me comprenez ! Vous me comprenez mieux que lui. Mais…

— Mais c’est lui que vous aimez.

Nulle amertume dans le ton. Très amicalement, ils se dévisageaient, amusés de cette curieuse nature humaine.

— Ce n’est pas facile de vivre, dit Annette, de vivre à deux.

— Mais si, ce serait bien facile, si l’on ne s’était ingénié, depuis des siècles, à se compliquer la vie par des gênes réciproques. Il n’y a qu’à les rejeter. Mais naturellement, notre excellent Roger, comme tout bon vieux Français, n’en conçoit pas l’idée. Ils se croiraient perdus, s’ils ne sentaient plus sur eux les gênes du passé. « Où il n’y a pas de gêne, il n’y a pas de plaisir… », surtout lorsqu’en étant gêné, on gêne son voisin.

— Comment vous, concevez-vous donc le mariage ?

— Comme une association intelligente d’intérêts