Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/246

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remplirait pas — mais pas du tout ma vie.

— Sans doute, je le comprends. La femme la mieux faite pour partager une vie d’action politique — voyez, par exemple, mon admirable mère ! — ne saurait s’y borner. Sa vraie tâche est au foyer. Et sa vocation propre, c’est la maternité.

— Je sais, dit Annette. Cette vocation ne nous est pas disputée. Mais… (j’ai peur de ce que je vais dire, j’ai peur que vous ne me compreniez pas)… je ne sais pas encore ce que m’apportera la maternité. J’aime bien les enfants. Je crois que je serai très attachée aux miens… (Vous n’aimez pas ce mot ? Oui, je vous parais froide…) Peut-être que je serai très prise… C’est possible. Je ne sais pas… Mais je ne voudrais pas dire quelque chose que je ne sens pas. Et, pour être sincère, cette « vocation », en moi, n’est pas encore tout à fait éveillée. En attendant que la vie me révèle ce que je ne connais pas, il me semble que la femme ne devrait jamais, en aucun cas, engouffrer toute sa vie dans cet amour de l’enfant… (Ne froncez pas le sourcil !…) Je suis convaincue qu’on peut aimer bien son enfant, faire loyalement sa tâche domestique, et garder assez de soi — comme on doit — pour le plus essentiel.

— Le plus essentiel ?