Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/247

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— Son âme.

— Je ne comprends pas.

— Comment faire comprendre sa vie intérieure ? Les mots sont si obscurs, si incertains, gâchés ! L’âme… C’est ridicule de parler de son âme ! Qu’est-ce que cela veut dire ?… Je ne pourrais pas expliquer ce que c’est. — Mais c’est. C’est ce que je suis, Roger. Le plus vrai, le plus profond.

— Le plus vrai, le plus profond, ne me le donnez-vous pas ?

— Je ne puis donner tout, dit-elle.

— Alors, vous n’aimez pas.

— Si, Roger, je vous aime. Mais nul ne peut donner tout.

— Vous n’aimez pas assez. Quand on aime, on ne pense à rien garder de soi. L’amour… l’amour… l’amour…

Il s’envola dans un de ses grands discours. Annette l’entendait célébrer, en termes pathétiques, le don entier de soi, la joie du sacrifice au bonheur de l’aimé. Elle pensait :

( — Mon chéri, pourquoi dis-tu tout cela ? Crois-tu que je l’ignore ? Crois-tu que je ne pourrais pas me sacrifier à toi, si c’était nécessaire, et y trouver ma joie ? Mais à une condition : c’est que tu ne l’exiges pas… Pourquoi l’exiges-tu ?… Pourquoi sembles-tu l’attendre,