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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/268

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262 L'AME ENCHANTEE

Elle se mentait avec fureur…

— Je ne l’aime plus !…

En vain !… Elle l’aimait encore. Elle l’aimait plus que jamais. Peut-être pas avec le plus noble d’elle — (mais qu’est-ce qui est noble ? ou qu’est-ce qui ne l’est pas ?) — Si ! avec le plus noble aussi, et avec le moins ! Corps et âme !… S’il suffisait de ne plus estimer, pour ne plus aimer ! Comme ce serait commode !… Mais souffrir par l’aimé n’a jamais dispensé de l’aimer : on n’en sent que plus cruellement qu’on est forcé de l’aimer !… Annette souffrait dans son amour blesse — par le manque de confiance, le manque de foi en elle, le manque d’amour profond de Roger. Elle souffrait dans l’amer sentiment de tant d’espoirs détruits, qu’elle couvait sans les montrer au jour. C’était parce qu’elle aimait si ardemment Roger qu’elle tenait à lui faire accepter son indépendance. Elle voulait être pour lui plus qu’une femme qui abdique, passive, dans l’union, — un libre et sûr compagnon. — Il n’en faisait point de cas. Elle en ressentait une douleur, une colère de passion offensée…

— Non ! non ! je ne l’aime plus ! je ne dois plus, je ne veux plus…

Mais sa force se brisa ; et, sans même achever son cri de révolte, elle pleura… Dans la nuit, en silence… Sous la glace de la raison,