Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ANNETTE ET SYLVIE 263

hélas ! elle était brûlée… Ce qu’elle ne voulait pas dire : tout ce qui était à elle, même son indépendance, quelle joie elle aurait eue à le lui sacrifier, si seulement il avait eu un mouvement généreux, un geste, un simple geste, pour se sacrifier, lui, plutôt que de la sacrifier !… Elle ne l’eût pas laissé faire. Elle n’eût rien demandé de plus qu’un élan du cœur, une preuve de vrai amour… Mais bien qu’il l’aimât à sa manière, cette preuve, il eût été incapable de la donner. Cela n’entrait pas dans sa pensée. Il eût jugé le vœu d’Annette une exigence de femme, qu’il faut prendre en souriant, mais qui n’a pas grand sens. Que pouvait-elle souhaiter ? Pourquoi diable pleurait-elle ? — Parce qu’elle l’aimait ? Eh bien, alors ?…

— « Vous m’aimez, n’est-ce pas ? Vous m’aimez ? C’est l’essentiel… »

Ah ! ce mot, elle ne l’avait pas oublié non plus !…

Annette sourit au milieu de ses larmes. Pauvre Roger ! Il était ce qu’il était. On ne lui en veut pas. Mais on ne se changera pas. Ni lui, ni moi. On ne peut pas vivre ensemble…

Elle essuya ses yeux.

— Allons, il faut en finir…