Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et quand Sylvie eut fini, Annette, relevant les yeux, lui dit :

— Vous l’aimiez bien ?

Les regards des deux sœurs échangèrent une caresse. Mais ce ne fut qu’un moment. Déjà une ombre jalouse avait passé dans les yeux d’Annette, et elle continua :

— Il vous aimait beaucoup.

Elle voulait sincèrement faire plaisir à Sylvie ; mais sa voix, malgré elle, prit une nuance de dépit. Sylvie crut y sentir une intonation protectrice. Ses petites griffes pointant aussitôt des pattes, elle dit avec entrain :

— Oh ! oui, il m’aimait beaucoup !

Elle fit une petite pause ; puis, d’un air complaisant, décocha :

— Il vous aimait bien aussi. Souvent, il me l’a dit.

Les mains passionnées d’Annette, ses mains grandes et nerveuses, frémirent et se serrèrent. Sylvie les regardait. La gorge contractée, Annette demanda :

— Il vous parlait de moi, souvent ?

— Souvent, répéta l’innocente Sylvie.

Il n’était pas très sûr qu’elle dît la vérité. Mais Annette, peu experte à cacher sa pensée, ne mettait pas en doute la parole des autres ; et celle de Sylvie l’atteignit au cœur. Ainsi, son père parlait d’elle à Sylvie, ils parlaient