Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/63

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Annette demeura en présence de son château détruit. Elle avait une grande peine, confuse, faite de sentiments mêlés. Il en était d’assez acres, qu’elle aimait mieux ne pas connaître, mais qui, par bouffées, lui contractaient la gorge… Elle qui se croyait libre de préjugés, l’idée que cette jolie sœur… Ah ! c’était trop pénible ! Elle en aurait bien pleuré… Pourquoi ? C’était stupide ! De la jalousie encore ?… Non !

Elle secoua les épaules et se leva. Elle ne voulait plus y penser. — Elle y pensait, tout le temps… Elle allait, à grands pas, de pièce en pièce, afin de se distraire. Elle s’aperçut qu’elle refaisait dans l’appartement la promenade de sa sœur. Elle ne pensait qu’à elle. À elle et à cet autre… Jalouse, décidément ? Non ! Non ! Non ! Non !… Elle tapa du pied, avec colère… Elle ne l’admettrait pas !… Mais qu’elle l’admît ou non, le mal lui mordait le cœur. — Elle se chercha des explications morales. Elle en trouva. Elle souffrait dans sa pureté. En sa nature complexe, riche d’instincts opposés,