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ANNETTE ET SYLVIE 69

avait d’autres chapitres, elle les garda pour elle). Un étudiant en médecine, rencontré à un bal de quartier : (elle se fût bien privée de dîner, pour danser !) Pas très beau, mais gentil, grand, brun, les yeux rieurs, qui se plissaient au coin, les narines retroussées, un nez de bon chien, amusant, affectueux… Elle le décrivait sans le moindre emballement, mais avec complaisance, vantant ses qualités, aussi le blaguant un peu, satisfaite de son choix. Elle s’interrompait pour rire, à certains souvenirs qu’elle disait, et à d’autres qu’elle ne disait pas. Annette, tout oreilles, troublée, intéressée, se taisait, glissant çà et là quelques paroles gênées. Sylvie lui tenait la main, et de son autre main libre, comme égrenant un chapelet, lui caressait le bout des doigts, un à un, en parlant. Elle percevait la gêne de sa sœur, elle l’aimait et s’en amusait.

Les deux jeunes filles s’étaient assises sur un banc, sous les arbres ; et dans la nuit venue elles ne se voyaient plus. Ce petit diable de Sylvie en profita pour conter des scènes un peu lestes et fort tendres, afin d’intimider tout à fait la grande sœur. Annette devinait sa malice ; elle ne savait si elle devait sourire ou blâmer, elle eût voulu blâmer ; mais elle était si jolie, la petite sœur ! Sa voix sonnait si riante, sa joie semblait si saine ! Annette respirait à