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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/82

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76 L’AME ENCHANTÉE

L’effet n’en était pas toujours très heureux, car Annette, trop éprise, exagérait parfois l’imitation, au delà de ce qui seyait à son style personnel ; et Sylvie, amusée, devait retenir son zèle. Beaucoup plus avisée, elle savait, sans le dire, profiter de ce que lui apprenait la sobre distinction d’Annette, certaines nuances de parler, de gestes et de manières ; mais sa copie était si fine qu’on eût dit que son modèle la lui eût empruntée.


Cependant, malgré leur intimité, Annette ne parvenait à connaître qu’une part de la vie de sa sœur. Sylvie avait son indépendance ; et elle aimait à la faire sentir. Au fond, elle n’avait pas tout à fait désarmé, de son hostilité de classe ; elle tenait à ce qu’Annette vît bien qu’on ne disposait pas d’elle et qu’on n’entrait chez elle qu’autant qu’il lui plaisait. D’ailleurs, son amour-propre n’était pas sans remarquer que sa sœur n’approuvait pas tout en elle. Notamment sa liaison amoureuse. Bien qu’Annette fît effort pour l’accepter, elle ne savait pas dissimuler la gêne que ce sujet lui causait. Ou bien elle le fuyait, ou, quand elle s’obligeait à en parler, avec le désir sincère de faire plaisir à Sylvie, elle avait dans le ton un rien de forcé, que percevait Sylvie ; et celle-ci, d’un mot, écartait le sujet. Annette s’en attristait.