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ANNETTE ET SYLVIE 77

Elle voulait de tout cœur que Sylvie fût heureuse, heureuse à sa manière. Que cette manière ne fût point celle qu’elle eût préférée, elle ne voulait pas le montrer. Mais elle le montrait sans doute. Quand on a des sentiments forts, on n’est pas très adroit. — Sylvie lui en voulait ; et elle se vengeait par son silence. Il fallait un hasard pour qu’Annette apprît, plusieurs semaines après, certains événements importants dans la vie de la jeune sœur.

À vrai dire, de leur importance, il était impossible de faire convenir Sylvie ; et peut-être glissaient-ils en effet sur l’élasticité de son tempérament ; mais il se pouvait aussi que son amour-propre le prétendît plus que ce n’était. Annette, incidemment, reçut ainsi la nouvelle que, « depuis quelque temps », — (impossible de préciser : c’était de « l’histoire ancienne » !…) — l’ami n’était plus là, la liaison s’était dénouée. Sylvie ne s’en montrait pas autrement affectée. Annette l’était davantage ; mais ce n’était point de regrets. Elle essaya gauchement de savoir ce qui s’était passé. Sylvie haussait les épaules, riait, disait :

— Il ne s’est rien passé. C’est passé, voilà tout.

Annette eût dû s’en réjouir ; mais ces mots de sa sœur lui causaient une peine… Quel étrange sentiment ! Comme elle était mal