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90 L’AME ENCHANTÉE

— Tu ne travailleras plus.

— Ah ! mais si, par exemple ! se révoltait Sylvie.

Du coup, elle était réveillée ; se dégageant de sa sœur, sur son séant dressée, la petite ébouriffée fixait Annette, d’un air qui la défiait.

— Voilà qu’elle croit encore qu’on veut la retenir de force !… Mais, ma fille, va-t’en ! disait Annette, en riant. Va, si le cœur t’en dit ! Personne ne tient à toi !…

— Si c’est comme ça, je reste ! faisait l’esprit de contradiction. Et Sylvie se renfonçait dans le lit, fatiguée de l’effort.

Mais cette fainéantise ne dura que quelques jours ; et, gavée de sommeil, vint, après, la période où il n’était plus possible de la tenir en repos. Elle trôlait tout le jour, à moitié habillée : dans les pantoufles de sa sœur, trop larges pour ses pieds nus, dans le peignoir de sa sœur, qu’elle retroussait en toge, les bras et les mollets nus, elle allait de chambre en chambre, regardant, explorant tout. Elle n’avait pas beaucoup la notion du « tien ». (Du « mien », c’était une autre affaire !) Annette lui ayant dit : « Tu es chez toi », elle l’avait prise au mot. Elle farfouillait partout. Elle essayait de tout. Elle pataugeait, des heures, dans la salle de bains. Elle ne laissait pas un coin sans l’avoir inspecté. Annette la trouva, le nez dans ses