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ANNETTE ET SYLVIE

papiers, qui, au reste, eurent vite fait de là lasser. Et la tante, ébahie, reçut l’invasion de la petite court-vêtue, qui, après avoir fureté sur tous les meubles, remué tous les objets, et dit des mots mignons à leur propriétaire, (laquelle suivait en émoi chacun de ses mouvements), laissa tout en désordre, et la vieille demoiselle, scandalisée, charmée.

Alors, la maison fut pleine d’un intarissable babil, d’un bavardage sans queue ni tête, sans fin, sans raison de finir. En n’importe quel lieu, en n’importe quel costume, perchées sur le bras d’un fauteuil, ou le peigne à la main, se démêlant les cheveux, ou brusquement arrêtés sur une marche de l’escalier, ou en peignoir de bain, le matin, au sortir du tub, — les deux amies parlaient, parlaient, parlaient ; et, une fois commencé, cela pouvait durer des heures ou des journées. Elles en oubliaient de se coucher ; la tante protestait en vain, toussotait, frappait au plafond ; elles tâchaient de mettre une sourdine à leur voix, en s’étouffant de rire ; mais, au bout de cinq minutes… paf ! le petit hautbois de Sylvie se remettait à flûter, et l’on entendait les exclamations heureuses ou indignées d’Annette, qui s’emballait toujours, et que la petite avait le don de faire monter à l’arbre. Cette fois, les coups devenaient tout à fait fâchés. Alors, on se décidait à se « pagnoter » ; mais