Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/99

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Elle avait envie de l’éveiller brusquement, de lui passer les bras autour du cou :

— Loup, y es-tu ?…

Mais elle était trop sûre que le loup y était, pour tenter l’expérience. Moins pure et plus normale que sa dangereuse aînée, elle jouait avec le feu, mais elle ne s’y brûlait pas.

Elles s’étudiaient l’une l’autre, longuement, s’habillant, se déshabillant, se comparant curieusement. Annette avait des accès de pudeur sauvage qui amusaient Sylvie, à la fois plus libre et plus claire. Souvent, Annette paraissait froide, on eût dit presque hostile ; elle avait des violences, ou des larmes sans cause. Le bel équilibre lyonnais, dont naguère elle était fière, semblait bien compromis. Et le plus grave — c’était qu’elle ne le regrettait point.

Les confidences allaient loin, maintenant. Il ne serait pas aisé de les reproduire toutes. Des jeunes filles qui s’aiment en viennent naturellement dans leurs entretiens à des audaces tranquilles, qui gardent en leur bouche une demi-innocence, mais qui n’en auraient aucune, répétées par une autre. En ces propos s’accusait la différence des deux natures : l’amoralisme riant, bon enfant, de tout repos, de l’une ; et le sérieux de l’autre, passionné, inquiétant, chargé d’électricité. Des heurts se produisaient :