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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/150

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Vous reconnaissez bien que vous vous êtes trompée ? Il ne voulait pas l’accuser. Mais il eût tant voulu qu’elle, elle s’accusât !

— Peut-être, dit-elle.

— Peut-être ? reprit-il, accablé.

— Je ne sais pas, dit Annette.

Elle voyait où Julien voulait la faire venir… Peut-être elle s’était trompée, si c’était se tromper que céder à un élan d’amour et de pitié sincères. Peut-être. Oui… « Mais si je puis regretter, dans mon cœur, une erreur sincère, je n’ai pas à m’en excuser. Mon cœur est resté seul avec sa douleur, seul à s’entretenir avec elle, dans le silence. C’est à lui seul, maintenant, de s’entretenir avec ses regrets. Ils ne regardent personne… Ses regrets ?… Soyons vraie jusqu’au bout ! Point de regrets !… » Après avoir réfléchi, elle dit :

— Je ne crois pas.

Peut-être exagérait-elle, par réaction contre le pharisaïsme inconscient de Julien.. (Pauvre Julien !…) Mais même aux instants où elle l’aimait le plus, elle ne parvint pas à dire ce mot de regret, qu’il attendait… « Je voudrais tant le dire !.. Mais je ne peux pas. Ce n’est pas vrai… » Regretter quoi ? Elle avait agi, non seulement selon son droit, mais selon son bonheur. Car, si cher qu’elle l’eût acheté, elle l’avait eu : l’enfant. Et elle savait (elle seule) que ce don de l’enfant, loin d’être déshonorant, comme le veut une stupide opinion publique, l’avait purifiée, délivrée pour longtemps de ses troubles, qu’il avait mis en elle l’ordre et la paix… Non, elle ne commettrait jamais la vilenie, pour assurer l’amour futur, de calomnier l’amour passé. Elle gardait même, maintenant, une reconnaissance à ce Roger, qui n’avait été qu’un agent de sa destinée, si inférieur à l’amour et à la flamme de vie qu’il avait allumés.. Julien le sentit jalousement.

— Ah, cet homme, dit-il, vous l’aimez toujours !