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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/228

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les yeux brillants, elle révéla qu’elle allait, tous les soirs, dans un cercle d’initiés, réunis autour d’une table, causer avec sa petite fille. Annette, horrifiée, écoutait, sans oser trahir ses sentiments, Sylvie qui racontait, d’une voix attendrie, les réponses de l’enfant. Il n’était plus besoin de l’engager à parler : elle goûtait une joie à se redire tout haut les paroles puériles, où elle avait transfusé tout le sang de son cœur. Annette ne pouvait détruire une illusion qui faisait vivre sa sœur. Léopold était près de l’encourager : pour son gros bon sens, celle-là valait toute autre religion. Annette prit conseil du médecin, qui dit de laisser la douleur s’épuiser.

Maintenant, Sylvie rayonnait. Annette se demandait si elle n’eût pas préféré le désespoir sacré à cette joie dérisoire, qui profane la mort. À l’atelier, Sylvie ne dissimulait plus ses relations d’outre-tombe ; ses ouvrières lui faisaient raconter ses séances ; elles y goûtaient un frisson amusé de roman-feuilleton. Lorsque Annette arrivait, elle les entendait mêler leurs réflexions animées au récit de la dernière conversation que Sylvie avait eue avec Odette ; une apprentie se moquait derrière une étoffe qu’elle pliait ; et Sylvie, experte naguère à manier l’ironie, ne s’apercevait de rien, bavarde et absorbée dans sa fantasmagorie.

Elle n’en resta point là. Un soir, sans avertir Annette, elle emmena Marc. Elle s’était reprise pour lui d’une affection exaltée. Dès qu’elle le voyait, sa figure s’éclairait. Annette, ne trouvant plus Marc à la maison, devina ce qui s’était passé. Mais elle se garda de le lui faire raconter, quand il rentra, fort tard, oppressé, énervé. L’enfant cria, dans ses rêves. Annette se leva, le calma, lui caressa la tête avec ses tendres mains.

Au matin, elle eut une explication sévère avec Sylvie. Son fils était en cause, elle ne ménageait plus rien. Elle ne cacha pas, cette fois, son aversion écœurée pour les dangereuses folies, et elle intima violemment à sa