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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/29

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mandise pâmée ; comme l’étoile de neige sur sa langue, elle fondait de volupté…

Après qu’elle avait, une heure ou deux, marché dans la campagne, sur les routes de neige, seule et double, seule et toute, sous le dois gris du ciel d’hiver, écoutant ramage son petit printemps, elle revenait vers la ville, les joues fouettées par la bise, rouges, les yeux brillants. Elle ne résistait pas, devant la pâtisserie, à l’attrait de quelque friandise, du chocolat, du miel : — (Ce que le petit était gourmand !) — Puis, elle allait s’asseoir, à la tombée du jour, dans l’église, devant un autel, qui était comme le miel, sombre et d’or. Et elle qui ne pratiquait point, elle qui ne croyait point, — (qui croyait ne point croire) — elle restait, jusqu’à ce qu’on fermât les portes, à rêver, prier, aimer. La nuit tombait, les lampes de l’autel, faiblement balancées, attiraient dans le noir les derniers points de lumière. Annette s’engourdissait, frileuse, un peu transie dans sa houppelande de laine, se réchauffant à son soleil. Le calme saint était en elle. Elle rêvait pour l’enfant d’une vie enveloppée de douceur, de silence — et de ses bras d’amour.