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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/30

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Dans les premiers jours de l’année, l’enfant naquit. Un fils. Sylvie arriva juste à temps pour le cueillir. Malgré ses douleurs, qui lui arrachaient parfois un gémissement, mais sans larmes, Annette, intéressée, attentive, un peu déçue, s’étonnait d’assister à l’événement, plus que de le produire. La grande émotion qu’elle attendait n’était pas apparue. — Dès le commencement du travail, on est prise dans un piège. Aucun moyen d’échapper : il faut aller jusqu’au bout. Alors, on se résigne, et on tend toutes ses forces pour y arriver au plus tôt. L’esprit net, mais ses énergies occupées entièrement à soutenir les douleurs. On ne pense guère à l’enfant. Point de place pour les sentiments tendres ou exaltés. Ceux qui remplissaient le cœur, avant, se sont éclipsés. C’est vraiment « le travail », dur, étroit, travail de chair et de muscles, exclusivement physique, sans rien de beau et de bienfaisant… Jusqu’à l’instant libérateur, où l’on sent de son corps glisser le petit corps… Enfin !…

Aussitôt, la joie se rallume. Annette, claquant des dents, épuisée, près de sombrer au fond d’un océan Arctique, tendait ses mains glacées pour saisir et serrer sur ses membres brisés son fruit vivant, — le bien-aimé !


Et maintenant, elle est dédoublée. Non plus deux en un, comme avant. Mais un fragment de soi, détaché dans l’espace, comme un petit satellite, gravitant autour d’un astre, une minuscule valeur additionnelle dont l’effet est immense dans l’atmosphère psychique. Chose étrange que, dans ce nouveau couple formé par la seg-