Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/81

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Annette, qui percevait les raisons de Sylvie, ne tenait nullement à s’assujettir. Elle laissait tomber l’invite, ou, pressée par Sylvie, répondait qu’elle n’était pas bien faite pour ce métier. Sur quoi, Sylvie lui demandait ironiquement pour quel métier elle était donc faite ? Ce lui était sensible. Quand on n’a jamais eu besoin de travailler pour vivre, et que la nécessité vient vous y forcer, il est pénible de ne pas savoir à quel travail on est bon, ni même si, malgré son instruction, on est bon à quelque travail. Il le fallait pourtant. Annette ne voulait pas rester à la charge de Sylvie. Certes, Sylvie ne l’eût pas montré : elle avait plaisir à aider sa sœur. Mais si elle était heureuse de dépenser pour Annette, elle savait ce qu’elle dépensait ; sa main droite n’ignorait jamais ce que donnait la gauche. Annette l’ignorait encore moins. Elle ne pouvait supporter la pensée que Sylvie, faisant sa caisse, l’inscrivît (mentalement) à son débit… Diable soit de l’argent ! Entre deux cœurs qui s’aiment, est-ce qu’il devrait compter ? Il ne comptait pas dans les cœurs d’Annette et de Sylvie. Mais il comptait dans leur vie. On ne vit pas que d’amour. On vit aussi d’argent.