Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/149

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C’est ici que Pitan intervient, juste au bon moment. Il connaît tous, tous le connaissent ; son obligeance et sa naïveté, dont on se raille, ont donné au vieil original le privilège de dire aux gens des vérités qu’on n’aime pas à entendre ; on les entend ; et, qu’on en tienne ou non compte, on ne songe pas à s’en offenser. Pitan dit à la fille :

— Mamselle Marceline, votre frérot, si vous le gardez, vous ne le garderez plus longtemps ; il est en train de s’en aller.

Marceline répond :

— Papa Pitan, je le sais bien, et cela me fâche. Je le vois bien qu’il se mange les sangs ! Mais comment faire ? Ce petit gars n’écoute rien. Il est aveugle et sourd. Il n’est qu’une bouche affamée, comme un nourrisson. Mais on ne peut pas le désaltérer. Il est malheureux. Il est affolé. Il a du mal, et on ne sait comment le consoler.

— Il n’est pas à sa place avec nous. Ce qu’il lui faut, c’est son chez lui.

— Il n’en veut pas.

— Je sais, je sais, il est dans l’âge de révolte.

— Nous y sommes tous.

— Ne vous flattez pas, mamselle Marceline ! Vous aspirez, au fond du cœur, à l’âge où vous flanquerez, à votre tour, des torgnioles à une couvée de petits révoltés.