Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/232

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— Ici. Mes yeux. Mon corps. Mon cœur. C’est moi, et mon prochain.

— Votre prochain ?… Tenez, regardez bien !… Non, ne vous en allez pas ! Attendez, un moment !…

Une visite entrait. Un gros garçon rubicond. Il avait la face poupine et débonnaire des anges joufflus du portail de Bourges. Il portait la capote bleue. Un compagnon de Germain, le fils d’un riche propriétaire du chef-lieu de canton voisin. Il était en permission, et il avait fait cinq lieues pour venir voir Germain. Il embrassa le malade. Il salua respectueusement Annette. Il se mit à dégoiser. Il crevait de bonne humeur et de santé. Il apportait les nouvelles d’un tel, d’un tel, dont les noms bonhommes et hilares étaient comme des valets de comédie. Des camarades de « là-bas ». Il y en avait de morts. Il y en avait de vivants. L’accent nasillard et chantant du pays égayait le récit. Le visiteur était préoccupé d’atténuer la verdeur d’expressions pour les oreilles d’Annette (respect aux dames !) Il se surveillait. Quand il s’adressait à elle, c’était d’un ton affable, onctueux et suranné. Il se retrouvait à cœur ouvert, quand il parlait, à pleine bouche, des siens, de sa mère, d’une petite sœur qu’il adorait. Il avait l’air d’un gros enfant, affectueux, bien sage, et tout rond.

Après qu’il fut parti, Germain demanda à Annette :