Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/43

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pour ne pas l’étreindre dans ses bras passionnés. Elle l’a. Elle le tient…

Quelques possibilités d’action qui dorment en sa nature, elle n’a pas à agir. Elle — (son fils et elle) — elle est, pour un temps, à l’abri. Le sort lui a accordé le répit d’observer. Elle le met à profit. Son regard est libre. Aucune idéologie ne le trouble. Les problèmes de guerre et de paix, jusqu’à cette heure, ne l’ont point occupée. Depuis près de quinze ans, elle est prise tout entière par le conflit le plus proche : le combat pour le pain, et par le plus brûlant : le combat avec soi-même. C’est là qu’est la vraie guerre ; elle reprend tous les jours ; et les trêves qu’elle consent sont des chiffons de papier. Quant à celle du dehors, la politique des États a passé loin d’Annette. La Troisième République, ou plutôt — (car ce veule régime, tout comme son partenaire, le loquace Empereur, n’a jamais voulu oui, sans vouloir aussi non, alternativement, prônant la poudre sèche et le sec olivier) — la fortune de l’Europe, dont l’Europe ne fut pas digne, a maintenu quarante ans (les quarante ans d’Annette) une paix non troublée, où la guerre ne fut vue de toute une génération que lointaine, estompée, sous son aspect de décor, ou d’idée, — spectacle romantique, ou thème à discussion morale et métaphysique.