Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Le torrent gronde et se gonfle. Les barrages sont rompus. C’est l’inondation… La déroute, les massacres et les villes en flammes. En quinze jours, l’humanité d’Occident a replongé, de quinze siècles, au fond. Et voici, comme aux anciens temps, les tourbillons de peuples, arrachés de leur sol, qui refluent devant l’invasion…

L’interminable exode des réfugiés du Nord s’abattait sur Paris, ainsi qu’une pluie de cendres, avant-coureur des laves. Jour après jour, la gare du Nord versait, comme un égout, leur flot lamentable. Boueux et harassés, ils s’entassaient par gros paquets sordides, aux abords de la place de Strasbourg.

Annette, sans travail, et dévorée du besoin de dépenser sa force inactive, traversait ces troupeaux humains, ces amas de lassitudes, que secouaient des accès de clameurs et de gestes heurtés. Et son cœur bondissait, d’indignation et de pitié. Parmi cette multitude d’infortunes anonymes,